Transformateur du réel
Mouïn
Moumni
Mouïn, artiste transdisciplinaire, en quête d’un ailleurs artistique.
Formé au design d’espace et à la scénographie à l’institut des Beaux-Arts de Sousse en Tunisie, son objet de recherche concerne notamment les installations scénographiques urbaines et les objets absurdes. Parallèlement à ses études, il évolue au sein d’associations et collectifs d’artistes et participe à la création de multiples performances en espace public qu’il présente dans plusieurs villes de Tunisie et à l’international.
À travers la scénographie Mouïn plonge dans le monde du théâtre et s’initie au jeu d’acteur et à la danse théâtrale, ce qui le mène à intégrer en 2014, la première promotion de l’École de l’Acteur à Tunis, une école mise en place par le Théâtre National Tunisien. Il est directement engagé à sa sortie par cette institution.
Son approche mélange différents médiums artistiques, questionne l’expression du corps et le pouvoir des mots et s’intéresse à la dimension poétique du rêve, de l’absurde, du symbolique et de l’insaisissable.
À partir de 2019, il enseigne le théâtre et continue à collaborer dans plusieurs créations théâtrales et performatives. En 2020, il développe un projet de création intitulé « Bapilone », une histoire illustrée mystérieuse et théâtrale. Il enchaine avec un projet chorégraphique de vidéodanse dans le cadre d’une résidence artistique menée avec des adolescents de la banlieue de Tunis.
BAPILONE : Lé début du début
BAPILONE : Lé début du début est le Projet Personnel de Création porté par Mouïn, entre septembre 2022 et juin 2023, dans le cadre de la formation supérieure.
L’interview ci-dessous a été réalisée et retranscrite en juin 2023 par Julie Bordenave.
À quel moment ta pratique du théâtre rencontre-t-elle l’espace public ?
Lassé de jouer en salle devant un public averti, j’ai toujours rêvé d’occuper des espaces dédiés à un autre usage : poste, mairie, stades, piscines… À mon entrée à la FAI-AR, j’ai d’abord imaginé construire un théâtre ambulant, inspiré par l’univers de Miyazaki. Puis, durant le cursus, j’ai pu formaliser mon envie de travailler sur des propositions pour un·e seul·e spectateur·rice, et de développer un projet ambitieux qui me tenait à coeur depuis longtemps : BAPILONE.
Quels en sont les fondements ?
J’ai l’intention de créer un univers à part entière qui s’inspire de notre réalité mais en la rendant plus bizarre et surréaliste. Tous les projets que je développerai à l’avenir s’inscriront au sein de cet univers. J’en ai posé les bases en 2019, via une histoire illustrée narrant l’aventure d’un personnage enfermé seul chez lui, et traversant plusieurs états psychotiques. Autour de lui, sa chambre se transforme jusqu’à lui ouvrir les portes d’un nouveau monde. BAPILONE : Le début du début est la continuité de ce premier chapitre. On y suit Balpa, un personnage admis dans un protocole psychanalytique destiné à traiter une nouvelle maladie
Quel dispositif immersif imagines-tu ?
Le·la spectateur·rice est appelé·e à se mettre dans la peau de Balpa. Il·elle est convoqué·e pour un rendez-vous en tête à tête avec une psychanalyste dans un lieu secret de la ville, puis un cheminement démarre pour lui·elle… Les symptômes de la maladie sontperceptibles via de légers troubles surgissant dans la mise en scène et la scénographie : variations subites dans le jeu des comédien·ne·s, extravagances visuelles… Je réfléchis aussi à la manière de superposer cette réalité fictive à celle de la ville. L’esthétique des années 80 m’inspire, tout comme celle des mangas et des jeux-vidéo. Le fait de parcourir un univers graphique en étant assigné à un personnage vient de là. Entre les lignes, j’aimerais que se lise la portée politique de mon propos : les sociétés ne vont pas bien, les troubles psychotiques sont sortis de la bulle privée pour envahir l’espace public. Je confronte ce sujet à la pratique de la psychanalyse, une discipline passionnante notamment via la pensée de Félix Guattari, mais dont l’histoire recèle aussi beaucoup de violence. J’aimerais inciter le public à s’interroger sur la position de ces soignant·e·s, leurs méthodes et leurs intentions. En filigrane, il s’agit aussi de s’adresser à l’inconscient, de suggérer que la réalité est peut-être autre chose que ce que l’on en perçoit.
Présentation vidéo du projet
Interview et captation vidéo réalisées lors des Esquisses, en juin 2023.
Ces Esquisses sont des présentations de maquettes des Projets Personnels de Création menés pendant la formation supérieure de la FAI-AR.